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VOYAGES

renfermer dans un cercueil qu’on attache à l’extrémité d’un poteau d’environ douze pieds. Les convives célèbrent son veuvage par les plus grands éloges ; l’un d’eux lui verse sur la tête un vase plein d’huile, un autre la couvre de duvet. Cette dernière cérémonie lui donne le droit de se remarier ; mais, comme on peut facilement se l’imaginer, le nombre de celles qui se hasardent une seconde fois est très-petit.

Lorsque je parle en général du caractère et des coutumes des sauvages, j’excepte toujours l’Indien qui habite la frontière de l’homme civilisé, et qui, par le commerce avec ce dernier, est généralement un être abruti. C’est une triste vérité, reconnue en Amérique, que là où des blancs sans principes pénètrent avec les boissons enivrantes, on ne tarde pas à voir régner les vices les plus dégradants.

Le sauvage est circonspect et discret dans ses paroles et dans ses actions, rarement il s’emporte. S’il s’agit des ennemis héréditaires de sa nation, alors il ne respire que haine et vengeance ; mais on peut lui appliquer ce qu’un auteur espagnol a dit des Maures : « L’Indien ne se venge pas, parce que sa colère dure encore, mais parce que la vengeance seule peut distraire sa pensée du poids d’infamie dont il est accablé ; il se venge, parce que, à ses yeux, il n’y a qu’une âme basse qui puisse pardonner les affronts ; il nourrit sa rancune, parce que, s’il la sentait s’éteindre, il