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VOYAGES

ils sont très-actifs à se livrer à cette occupation.

L’ophtalmie paraît être généralement répandue parmi les habitants de la rivière : on n’entre guère dans une loge sans y voir des borgnes, des aveugles, ou du moins des gens affectés de maux d’yeux. Quelle en est la cause ? Peut-être leur présence presque continuelle sur l’eau, où ils sont exposés du matin au soir à la réflexion des rayons du soleil ; peut-être aussi l’incommodité de leurs basses loges de joncs, où tous se tapissent autour du feu, jour et nuit enveloppés d’une épaisse fumée.

On trouve ici des charlatans aussi bien qu’en Europe. Un ancien commis de la compagnie de la baie d’Hudson a bien voulu me communiquer son journal : voici ce que j’y trouve au sujet de ces messieurs, qui exercent surtout leur métier au bas du fleuve Columbia et dans les environs. Quelle que soit la maladie, on étend le patient sur le dos ; ses amis se forment en cercle autour de lui, tenant d’une main un assez long bâton, de l’autre un bâton plus court. Le jongleur entonne un air lugubre, que tout le monde répète après lui en battant la mesure avec les bâtons. Après ce bizarre prélude, il s’approche du malade, se met à genoux devant lui, serre les deux poings et les lui applique sur l’estomac en appuyant de toutes ses forces. Comme on s’y attend, cette opération fait jeter les hauts cris au patient, mais ces cris sont bientôt étouffés par ceux du docteur et des assistants, qui se mettent alors à chanter à plein gosier. À la fin de