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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

dépouilles (c’est-à-dire la graisse) lui parurent si belles et si bonnes qu’elle en goûta ! Quand je rentrai, elle m’en offrit ainsi qu’à nos enfants ; le bruit s’en répandit dans le village ; les voisins sont venus, et nous en avons mangé tous ensemble. » Deux ou trois jours plus tard, nous n’aurions plus rien retrouvé du tout. Si ce brave homme avait voulu imiter l’histoire de nos premiers parents, il n’aurait pu mieux jouer son rôle. Cette aventure me fournit l’occasion de les instruire de cette première prévarication et de ses tristes suites. Le chef prit ensuite la parole, et après avoir bien grondé sa femme, il protesta au nom de tous que la chose n’arriverait plus à l’avenir. Ces pauvres gens tâchèrent de nous dédommager de leur mieux, et nous offrirent deux sacs de racines sauvages, et un panier rempli de pâtés de mousse, de pin aussi durs que la colle forte. La nécessité nous força d’accepter ces pâtés de nouvelle espèce : on les prépare en les mettant dans l’eau bouillante ; ils forment alors une soupe épaisse et visqueuse qui a l’apparence et le goût du savon, et qui, assaisonnée d’une bonne faim et d’une grande disette d’autre nourriture, se laisse manger.

Le 1er décembre je me retrouvai dans la prairie aux chevaux, au milieu des Kalispels, qui s’y étaient rendus des différentes parties des montagnes pour me voir à mon retour. Je restai trois jours avec eux, les instruisant et les exhortant