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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Nous y trouvâmes une vieille femme, seule, aveugle et bien malade. Je lui parlai du Grand-Esprit et des vérités les plus essentielles au salut. L’exemple de l’apôtre saint Philippe nous apprend qu’il est des circonstances où toutes les dispositions requises peuvent se trouver implicitement dans un acte de foi, et dans un désir sincère de ne vouloir entrer au ciel que par la bonne porte. Toutes les réponses de la pauvre vieille exprimaient le désir de connaître et d’aimer Dieu. « Oui, me disait-elle, j’aime le Grand-Esprit de tout mon cœur ; il m’a fait tant de bien pendant ma vie ! Oui, je veux être son enfant, et me réunir à lui pour toujours. » Aussitôt elle se mit à genoux et me demanda le baptême. Je la nommai Marie, et lui mis au cou une médaille miraculeuse de la Sainte Vierge. En la quittant, je l’entendis encore remercier Dieu de cette suprême faveur.

À peine avais-je regagné mon petit sentier, que je rencontrai le mari de cette vieille : courbé sous le poids de l’âge et des infirmités, il pouvait à peine se traîner. Il venait de tendre un piège aux chevreuils dans la forêt, lorsque informé de mon approche par mes gens, il hâta le pas, et d’aussi loin qu’il m’aperçut, il se mit à crier d’une voix tremblante : « Oh ! que j’ai le cœur content ! » et le bon vieillard me serra affectueusement la main, répétant toujours les mêmes paroles. Les larmes m’échappaient en voyant l’affection de ce brave homme, et je fus quelques minutes sans pouvoir