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VOYAGES

reprises je crus toucher à ma dernière heure. Une fois surtout, je m’étais écarté de mon escorte, et me trouvais seul sur une de ces projections de rochers, si fréquentes sur les montagnes Rocheuses que je n’y faisais pas attention. Quels furent ma surprise et mon effroi lorsque je me vis sur une pointe de deux pieds de large seulement, ayant en face un abîme, à ma gauche un rocher perpendiculaire, à ma droite un précipice d’environ mille pieds ! Mon unique ressource était un parapet un peu plus large, à trois pieds verticalement au-dessous de moi, mais il fallait y descendre d’un saut : ma mule s’arrêtait devant ce pas terrible, et le plus léger caprice de la bête pouvait nous précipiter dans l’abîme. N’ayant pas de temps à perdre, je me recommandai à Dieu et donnai de l’éperon ; le saut de ma bête fut heureux et je me trouvai hors de danger. Ces récits trouveront peut-être des incrédules ? Eh bien, dites-leur que je les invite à venir partager mes travaux : je leur promets d’avance qu’ils admireront avec moi les merveilles de la nature et qu’ils auront aussi leurs moments d’hésitation et de crainte.

Je ne puis passer sous silence la bonne rencontre que je fis dans la forêt. Me trouvant sur le penchant d’une haute colline, je découvris une petite loge de joncs placée sur le bord de la rivière. J’appelai quelque temps, mais point de réponse. Je me sentis comme entraîné à la visiter, et me fis accompagner par, mon interprète.