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VOYAGES

cause de la forme un peu allongée de sa figure ; on pourrait plus noblement l’appeler l’Ancien du désert ; car chez lui l’âge, la taille, la sagesse, tout est grand et patriarcal. Dès sa plus tendre enfance, avant même qu’il eût pu connaître ses parents, il avait eu le malheur de les perdre. Lorsque son père mourut, par compassion pour le pauvre orphelin déjà privé de sa mère, quelqu’un proposa de l’enterrer dans la même tombe ; ce qui donne une idée des épaisses ténèbres où était alors assise cette pauvre nation ; mais Dieu, qui avait d’autres desseins, toucha si bien en sa faveur le cœur d’une pauvre femme, qu’elle s’offrit à lui servir de mère. Le ciel bénit la généreuse tendresse de son cœur ; bientôt elle eut la consolation de voir son fils adoptif se distinguer entre tous les autres enfants par son intelligence précoce et ses bonnes qualités. Il était reconnaissant, docile, charitable, et si naturellement pieux, que faute de connaître le vrai Dieu, il mit plus d’une fois sa confiance dans ce qui n’en était que l’ouvrage. Un jour, perdu dans une forêt et réduit à la dernière nécessité, il se mit à embrasser un gros arbre, le conjurant d’avoir pitié de lui. Il n’y a pas deux mois encore, qu’ayant perdu d’un seul coup quatre grands calumets, perte considérable pour un Indien, il retourna bien loin sur ses pas, et pour intéresser le Ciel en sa faveur, il fit à Dieu cette prière : « Grand-Esprit, vous qui voyez et pouvez tout ; je vous en prie, faites que je trouve ce que