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VOYAGES

le moins, il saisit avec force la carabine et s’écrie : « Pied-noir, je suis Tête-plate, lâche ton arme ! » À ces mots, plus mort que vif, le Pied-noir lâche prise, et Sechelma, désormais bien armé, se met à la poursuite d’autres ennemis.

Mais voici un trait beaucoup plus beau, ce me semble : il est de Pierre, le grand-chef que j’ai déjà nommé. Il y a aujourd’hui quinze jours, un Pied-noir, grand voleur de chevaux, venait d’être surpris par nos gens en flagrant délit : c’était pendant la nuit, il faisait fort obscur. Quoique blessé, ou plutôt parce qu’il était blessé, il n’en était que plus redoutable, ayant encore à la main son fusil dont il menaçait de faire usage contre le premier qui se mettrait à sa portée. Personne n’osait avancer : Pierre, petit de taille et âgé d’environ quatre-vingts ans, sentit se ranimer son courage. « Quoi donc, s’écrie-t-il, vous avez peur ? Laissez-moi faire ! » Et courant droit à l’ennemi, il l’achève d’un seul coup de lance. Aussitôt il se jette à genoux, tourne les yeux vers le ciel, et fait à haute voix sa prière à peu près en ces termes : « Grand-Esprit, vous savez pourquoi j’ai tué ce Pied-noir, ce n’était pas par vengeance : il le fallait bien pour faire un exemple qui rendît les autres plus sages. Ah ! je vous en supplie, faites-lui miséricorde dans l’autre vie, nous lui pardonnons de bien bon cœur le mal qu’il a voulu nous faire, et pour vous prouver que je dis la vérité, je vais le couvrir de mon habit. » En disant ces paro-