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VOYAGES

Nous avions évité sans le savoir un plus grand danger sur les bords de la Rivière-verte ; nous ne le sûmes qua notre arrivée au Fort-Hall. Voici le fait. À peine avions-nous quitté la caravane à ce commun rendez-vous, que le camp de la Californie, avec lequel nous avions voyagé jusqu’alors, se divisa en deux fractions ; celles-ci se subdivisèrent encore, une partie allant à la chasse, tandis que les autres gardaient le camp, les chevaux et le bagage. Le camp des hommes civilisés n’avait en tout que cinq ou six individus et quelques femmes pour garder une masse d’objets et quatre-vingt-dix chevaux. Une proie si riche et si facile devait tenter les sauvages ; en effet elle attira bientôt ceux qui, selon leur coutume, rôdaient dans le voisinage, épiant une occasion favorable. Au moment où l’on s’y attendait le moins, ils fondirent avec impétuosité, d’abord sur les chevaux, ensuite sur les loges ; et malgré la défense courageuse des gardiens, dont plusieurs firent payer chèrement leurs vies, ils brûlèrent, pillèrent, emmenèrent tout ce qui leur tomba sous la main, donnant ainsi une terrible leçon à ceux qui, loin de s’unir plus étroitement contre l’ennemi commun, se divisent au point de se mettre dans le cas de tout perdre à la première occasion.

Quelques jours seulement après la réception de cette nouvelle, nous pensâmes un instant que nous allions avoir à nous défendre nous-mêmes contre un grand parti de Pieds-noirs. Nous étions