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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

tirer du fond de sa voiture le pauvre frère qui s’y tenait blotti dans un coin ; tandis que de l’autre tous les Têtes-plates présents plongeaient pour sauver la voiture, le bagage et les mulets. Le bagage, à peu de chose près, fut sauvé. À force d’efforts on était parvenu à relever la charrette, lorsqu’un pauvre sauvage, qui seul la soutenait en ce moment, s’écria, n’en pouvant plus : « Je me noie ! » De son côté le chasseur, chargé du poids du frère qui faisait sans cesse des efforts pour se tenir sur l’eau, était sur le point de périr victime de son dévouement. Enfin tout ce qui savait nager, hommes, femmes, enfants, ayant fait des prodiges pour nous donner des preuves de leur attachement, il se trouva que nous n’eûmes à regretter la perte de personne ; l’attelage seul périt, lui qui paraissait avoir dû se sauver de lui-même, puisqu’on avait pris la précaution de couper les traits ; mais les mulets, dit-on, une fois les oreilles dans l’eau, ne s’en tirent plus. La perte de ces trois mulets, les plus beaux de notre caravane, quoique considérable, fut bientôt réparée. Pendant qu’on s’occupait à faire sécher le bagage, je retournai au Fort-Hall, où, retrouvant dans M.  Ermatinger la même sympathie et la même générosité qu’il m’avait toujours témoignées, je fis l’acquisition de trois autres mulets pour une somme modique, en comparaison de ce que j’eusse dû payer si j’avais eu affaire à des gens capables de profiter de la circonstance. Voilà le danger évité ; voici la leçon. On fit la remarque que ce jour avait