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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

nombreux coureurs donnent la chasse aux cabris et les poussent devant eux, jusqu’à ce que, les ayant engagés entre les deux haies, ils les serrent de si près, qu’ils sont obligés de se jeter pêle-mêle par la petite entrée dans l’enclos préparé pour les recevoir : là les Indiens les assomment à coups de massue. On m’a assuré que souvent en une seule fois les sauvages tuent ainsi jusqu’à deux cents cabris et au delà.

La chair de la femelle du buffle est la plus saine et la plus délicate des viandes de l’Ouest, et en même temps si commune qu’on peut l’appeler le pain quotidien des sauvages ; ils ne s’en dégoûtent jamais, et se la procurent avec la plus grande facilité. Elle est bonne dans toutes ses parties, mais pas également pour tous : les uns préfèrent la langue, d’autres la bosse ou les broches, d’autres les plats côtés ; chacun a son morceau favori. Pour conserver les viandes, on en fait des tranches assez minces qu’on sèche au soleil, ou bien une sorte de hachis qu’on pétrit avec la moelle des plus gros os, la plus exquise de toutes les graisses. Ce hachis, auquel on donne les singuliers noms de taureau et de fromage, se mange ordinairement cru ; mais cuit, il est moins indigeste et de meilleur goût pour les bouches civilisées.

Les formes et la grosseur du buffle sont connues. Cette Majesté du désert de l’Ouest aime la nombreuse compagnie ; rarement on le rencontre seul. Très-souvent on en voit plusieurs milliers