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VOYAGES

nommé le Brave des braves, m’avait envoyé jusqu’au Fort-Hall son plus beau cheval, avec recommandation qu’il ne fût monté par personne avant de m’être présenté. Bientôt cet Indien apparut lui-même, accourant à toute bride ; il se distinguait des autres par l’habileté avec laquelle il faisait caracoler son coursier lorsqu’il approcha de nous, et par le grand cordon rouge qu’il portait comme insigne de sa bravoure. Comme guerrier, c’est le plus beau sauvage que je connaisse.

Nous nous avancions au grand trot, et déjà nous n’étions qu’à deux ou trois milles du camp, lorsque nous aperçûmes dans le lointain un nouveau cavalier de haute stature : bientôt plusieurs voix se font entendre : Paul ! Paul ! et en effet c’était Paul, le grand chef, que l’on croyait absent, mais qui venait d’arriver, comme par une permission de Dieu, pour avoir la satisfaction de nous présenter lui-même à son petit peuple. Après les témoignages d’amitié bien cordiale donnés de part et d’autre, le bon vieillard voulut retourner vers les siens pour nous annoncer. Un quart d’heure après, tous les cœurs étaient réunis dans un seul sentiment ; c’était comme un troupeau de brebis se pressant autour de leur pasteur. Combien les mères, en nous présentant leurs petits enfants, étaient émues ! Nous l’étions nous-mêmes à tel point que nous avions peine à retenir nos larmes. Cette soirée fut assurément pour nous une des plus belles de notre vie. Il semblait que nous pouvions