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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

témoins de son bonheur : Priez pour moi, priez pour moi, priez pour moi ; qu’alors elle se mit à prier elle-même, et qu’après avoir chanté un cantique d’une voix plus forte que celle des assistants, elle s’écria, sur le point d’expirer : « Oh, que c’est beau ! Je vois Marie, ma mère ! Mon bonheur n’est pas sur la terre, ce n’est qu’au ciel qu’il faut le chercher ! Écoutez les Robes-noires, parce que ceux-là disent la vérité. » Et immédiatement après, elle rendit le dernier soupir.

Tant de faveurs du Ciel devaient exciter la jalousie de l’enfer : aussi plus d’une fois l’homme ennemi essaya-t-il de semer la zizanie parmi le bon grain, en insinuant aux principaux de la nation qu’il en serait de moi comme de tant d’autres ; qu’une fois parti je ne reparaîtrais plus, Mais le grand Chef n’hésitait jamais à répondre : « Vous vous trompez, je connais notre Père, sa langue n’est pas fourchue, il nous a dit : Je reviendrai ; il reviendra, j’en suis sûr. » L’interprète ajouta que, dans cette conviction, le vénérable vieillard, malgré son grand âge, avait voulu se mettre à la tête du détachement de quarante hommes venus sur la Rivière-verte ; qu’ils étaient arrivés au rendez-vous le jour fixé, c’est-à-dire le 1er juillet ; qu’ils y étaient restés jusqu’au 16, et qu’ils y seraient encore, si la disette de vivres ne les avait obligés de s’en éloigner ; que d’ailleurs la peuplade entière était décidée à se réunir dans un lieu stable, pour y bâtir une réduction ;