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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

grossit de ses eaux ; toutefois je ne toucherai que quelques points géographiques qui le regardent. Le Missouri est le fleuve que je connais le mieux. Dans les quatre années qui viennent de s’écouler, je l’ai monté et descendu de toutes les manières : par eau, par terre, en berge, en canot de bois et de peau, en bateau à vapeur. J’ai parcouru les plaines de ses deux plus grands tributaires, à travers un espace de plus de huit cents milles. J’ai traversé presque toutes les fourches qui lui payent le tribut de leurs eaux, depuis la source de la Roche-jaune, jusqu’à l’endroit où le Missouri, s’associant au Mississipi, va communiquer sa fougue au plus paisible des fleuves. J’ai bu des eaux limpides de ses sources, et à une distance de trois mille milles, j’ai goûté les eaux bourbeuses de son embouchure. Sa prodigieuse étendue, son volume d’eau, sa bourbe remarquable, son caractère variable, impétueux, sauvage et destructeur, arrachant souvent avec furie des arpents entiers de l’un de ses bords et déposant sa vase sur l’autre, engloutissant les belles forêts qui l’ombragent pour parsemer son sein d’écueils dangereux, changeant à chaque instant la physionomie et le site de ses charmantes îles ; ce fleuve Furieux (c’est le nom que les Dacotahs lui donnent) semble, surtout dans un espace de six à sept milles (la basse plaine), se jouer de tous les obstacles qu’il rencontre ; car, là où il veut passer, il passe ; rien n’a jamais pu l’arrêter. Les régions singulières