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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

de la plaine, que la rose des forêts avec toutes ses teintes imaginables, la vigne des prairies et la renoncule de nos jardins ; la haute végétation a été obligée de chercher un refuge contre les feux de l’automne jusque dans le sein des îles qui couvrent la surface du fleuve. Ces îles sont si nombreuses et si capricieusement groupées, qu’elles forment, au milieu des flots, comme un labyrinthe de bosquets, embellis de toutes les nuances qui flattent la vue. Tout respire un air de jeunesse. La souplesse des rameaux, qui obéissent au moindre souffle des brises, ajoute de la vie à la fraîcheur de l’ensemble ; aux ondulations si suaves de la rivière et de la verdure joignez une distribution parfaite de jours et d’ombres qui varient à chaque instant, une harmonieuse profusion d’îles échelonnées les unes derrière les autres de manière à graduer la perspective, les coteaux de la rive opposée rendus si fuyants par la pureté de l’atmosphère, enfin le déplacement du spectateur qui dans sa marche saisit à chaque pas un point de vue nouveau ; et vous aurez l’idée des sensations qu’éprouve le voyageur en parcourant ces bords enchantés. À leur aspect on se croirait transporté au moment où la création venait de sortir des mains de Dieu.

Sous ce climat tempéré, les beaux jours sont continuels ; cependant il arrive de loin en loin que les nuages, en pressant leur course, ouvrent des courants d’une telle violence, qu’ils gla-