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VOYAGES

tous nos calumets se brisèrent à la première épreuve : c’était une carrière d’albâtre.

Le premier rocher, vraiment digne de ce nom, que nous rencontrâmes, et comme le premier degré de cette fameuse chaîne que nous allions gravir, est le roc Indépendance. Il est de la même nature que les montagnes Rocheuses. D’abord je crus que ce titre fastueux lui menait de son isolement des autres et de la forme extraordinaire de son assiette ; mais ensuite j’appris qu’il était ainsi appelé uniquement parce que les voyageurs qui eurent les premiers l’idée de lui donner un nom, étaient arrivés dans son voisinage le jour même où les États-Unis célèbrent l’anniversaire de leur séparation d’avec l’Angleterre.

Nous y arrivâmes le lendemain du même jour. Nous avions avec nous un jeune Anglais non moins jaloux que les Américains de la gloire de sa nation, raison de plus pour ne pas crier : Vive l’Indépendance ! Cependant, le jour suivant, pour qu’il ne fût pas dit que nous passions avec indifférence devant ce grand monument du désert, nous inscrivîmes nos noms sur le flanc du roc qui regarde le sud, à la suite du saint nom de Jésus (IHS) que nous voudrions voir gravé partout. Nous y lûmes un grand nombre d’autres noms, dont plusieurs peut-être ne devraient se trouver nulle part. À cause de ces noms et de toutes les dates qui les accompagnent, ainsi que des hiéroglyphes des guerriers sauvages, j’avais appelé ce roc, à mon premier voyage, le grand Registre du désert.