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VOYAGES

milieu des guerriers qui semblaient ne l’escorter que par honneur. Lorsque le cortège se mit en marche, chacun de ces guerriers, outre ses armes qu’il tenait soigneusement cachées, portait deux pièces de bois, qu’il avait reçues des mains de la victime. Celle-ci était elle même chargée de trois poteaux ; mais croyant marcher à un triomphe, et n’ayant dans l’imagination que des idées riantes, elle s’avançait vers le lieu de son sacrifice dans la plus entière sécurité, pleine de ce mélange de timidité et de joie si naturelle à une enfant entourée de tant d’hommages.

Pendant la marche, qui fut longue, le silence ne fut interrompu que par des chants religieux et des invocations réitérées au Maître de la vie ; en sorte qu’à l’extérieur tout contribuait à entretenir l’illusion si flatteuse dont on avait bercé jusqu’alors la jeune fille. Mais lorsqu’on fut parvenu au terme, et qu’elle ne vit plus que des feux, des torches et des instruments de supplice, alors ses yeux commençant à s’ouvrir sur le véritable sort qui l’attendait, quelle ne fut pas sa surprise ! Et lorsqu’il ne lui fut plus possible de se tromper sur son sort, qui pourrait dire les déchirements de son âme ? Des torrents de larmes coulèrent de ses yeux ; son cœur se répandait en cris lamentables, ses mains suppliantes s’élevaient vers le ciel ; puis elle priait, conjurait ses bourreaux d’avoir pitié de son innocence, de sa jeunesse, de ses parents ; mais en vain : ni ses larmes, ni ses cris, ni ses