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VOYAGES

lure à quatre-vingt-dix victimes, et firent prisonniers ceux qu’ils jugèrent à propos de ne pas massacrer. C’est qu’à leurs yeux tout est permis à la vengeance ; les massacres les plus horribles, loin d’être un crime, sont pour eux des actes de vertu religieuse, de la vertu par excellence des grandes âmes. Le Kant se venge, parce qu’à ses yeux il n’y a qu’une âme basse qui puisse pardonner des affronts, et il nourrit sa rancune, parce que la vengeance seule peut lui faire oublier le poids d’infamie dont il se croit accablé par l’injure. Essayer, sans l’Évangile, de leur faire comprendre qu’il ne peut y avoir ni mérite ni gloire à massacrer un ennemi sans défense, ce serait peine perdue. Il n’y a qu’une exception à cette loi barbare, c’est quand l’ennemi vient de lui-même se réfugier dans leur village. Tant qu’il y demeure, son asile est inviolable, sa vie même y est plus en sûreté que dans sa propre loge ; mais malheur à lui s’il s’en écarte d’un seul pas ! à peine en est-il sorti, qu’il a rendu à ses hôtes tous les droits imaginaires que l’esprit de vengeance leur avait donnés sur lui.

Bien qu’ils soient cruels à l’égard de leurs ennemis, les Kants ne sont pas étrangers aux sentiments les plus tendres de la pitié, de l’amitié ou de la compassion. À la perte de leurs proches parents, ils sont quelquefois inconsolables, et laissent croître leur chevelure pour exprimer leur douleur. Le grand chef s’excusa devant nous de