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VOYAGES

minations lui conviennent. C’est pour jouir plus tôt de la beauté et de la fraîcheur de son voisinage que nous avons fait, ce matin, plus de vingt milles à cheval, à jeun, et à travers une solitude où il n’y a pas une goutte d’eau ; aussi nos pauvres montures auront besoin de repos jusqu’à demain. Je n’en suis pas fâché, puisque cela me procure le plaisir de commencer une relation qui, j’en suis sûr, vous intéressera, quoique je revienne une seconde fois sur différents sujets traités dans celle de mon premier voyage.

Comme toutes les œuvres de Dieu, les commencements de la nôtre ont eu leurs épreuves : peu s’en est fallu même que dès son début elle ne fût indéfiniment arrêtée par l’ajournement imprévu de deux caravanes sur lesquelles nous avions trop compté, l’une de chasseurs pour la Compagnie des pelleteries américaines, l’autre d’explorateurs pour les États-Unis, à la tête de laquelle devait se trouver le célèbre M. Nicolet. Heureusement Dieu inspira à deux estimables voyageurs dont j’aurai occasion de parler dans la suite, et, peu après, à une soixantaine d’autres, la bonne idée de faire la même route que nous, les uns pour leur santé, les autres pour leur instruction ou leur plaisir, la plupart pour aller chercher fortune dans les terres beaucoup trop vantées de la Californie. Cette caravane formait un mélange extraordinaire d’individus ; chaque pays de l’Europe y avait son représentant, depuis le sud de l’Italie jusqu’aux