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VOYAGES

et d’amitié. Il me pria alors de l’accompagner et de passer la nuit dans son village, qui n’était pas à une grande distance. Je le suivis, et arrivé en vue du camp, qui comprenait une centaine de loges, ou environ 1,000 âmes, je m’arrêtai à un quart de mille de distance, dans un beau pâturage sur le bord d’une belle rivière, et j’y établis ma tente. Je fis inviter le grand chef à souper avec moi. Comme je disais le Benedicite, il demanda au Canadien ce que je faisais. Celui-ci répondit que je parlais au Grand-Esprit pour le remercier de nous avoir procuré de quoi manger. Il fit une exclamation d’approbation. Douze guerriers et leur chef proprement habillés se présentèrent bientôt devant ma loge et y étendirent une grande et belle peau de buffle. Le grand chef me prit par le bras, et m’ayant conduit sur la peau, il me fit signe de m’asseoir. Je ne comprenais rien à cette cérémonie, je m’assis pourtant, croyant que c’était une invitation à fumer le calumet avec eux. Jugez de ma surprise, lorsque je vis les douze guerriers saisir cette espèce de tapis par les extrémités, me soulever de terre, et, précédés de leur chef, me porter en triomphe jusqu’au village, où tout le monde fut sur pied en un instant pour voir la Robe-noire. On m’assigna la place la plus honorable dans la loge du chef, et celui-ci, entouré de quarante de ses principaux guerriers, me harangua en ces termes : « Robe-noire, voici le jour le plus heureux de notre vie. C’est aujourd’hui, pour la