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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

cations avec l’esprit des ténèbres. Ils plongent le bras jusqu’au coude dans l’eau bouillante, et se préservent de toute brûlure en se frottant préalablement avec le jus d’une certaine racine de plante. Ils font semblant d’avaler des matières enflammées et de se percer de flèches sans se nuire. Un tour me surprit beaucoup, quoique le sauvage ne voulût pas l’exécuter en ma présence, disant que ma médecine (religion) était plus forte que la sienne. Il se fit garrotter les mains, les pieds, les jambes et les bras par mille nœuds ; on l’enferma ensuite dans un grand filet, puis dans une peau de buffle. Celui qui le garrottait lui avait promis son cheval, s’il se débarrassait de ses liens : une minute après il sortit libre de toute entrave, à la grande surprise de tous les spectateurs. Le commandant du fort lui offrit un autre cheval s’il voulait lui communiquer son secret ; il fut pris au mot. « Faites-vous lier, lui dit le sorcier ; j’ai dix esprits invisibles qui sont à mes ordres ; j’en détacherai trois de ma bande pour vous les donner ; ils vous délieront, mais n’en ayez pas peur, car ils vous accompagneront partout. » Le commandant fut déconcerté par ce propos du sauvage et n’osa accepter l’offre.

Le 6 octobre, je me remis en route pour le fort du petit Missouri ou fort Pierre. C’est le grand entrepôt des marchandises de la Compagnie destinées aux besoins des sauvages qui habitent le fleuve. Comme sur la Roche-jaune, je fus encore