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VOYAGES

camp abandonné où il y avait une quarantaine de loges ; les feux n’étaient pas encore éteints ; heureusement nous n’y découvrîmes personne. Enfin nous revîmes le Missouri, dans un endroit où une heure auparavant quelques centaines d’Assiniboins l’avaient traversé. Ce n’est là qu’une faible esquisse du dangereux trajet que j’ai effectué du fort des Corbeaux au fort Union, situé à l’embouchure de la Roche-jaune.

Je racontai un jour ces particularités à un chef sauvage ; il me répondit aussitôt : « Le Grand-Esprit a ses manitous (esprits tutélaires) ; il les a envoyés sur vos pas, au-devant de vous, pour étourdir et mettre en fuite les ennemis qui auraient pu vous nuire. » Un chrétien n’aurait pu mieux me rappeler le beau texte des psaumes : Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis. Jamais je ne me suis aperçu davantage qu’une Providence toute spéciale protège le pauvre missionnaire. Le pays de la Roche-jaune abonde en gibier ; je ne crois pas qu’il y ait dans l’Amérique entière une contrée plus favorable à la chasse. Je me trouvai pendant sept jours au milieu de troupeaux innombrables de buffles. À tout moment j’apercevais des bandes d’élans majestueux bondir dans cette solitude animée, tandis que des nuées de gazelles s’enfuyaient devant nous avec la rapidité du trait. L’ashata ou grosse-corne parut seule ne pas s’inquiéter de notre présence ; ces animaux se reposaient par