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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

donc se passer de souper. Je me roulai dans ma couverture et je m’étendis sur le gazon en me recommandant au bon Dieu. Mon grenadier, plus brave que moi, dormit bientôt et ronfla toute la nuit comme un soufflet de forge. Quant à moi, j’eus beau me tourner à droite, à gauche, je passai une nuit blanche. Le lendemain au point du jour nous étions déjà en route ; il fallut user des plus grandes précautions, parce que le pays que nous avions à parcourir offrait des dangers très-grands. Vers midi, nouveau sujet d’alarme ; un buffle venait d’être tué, il y avait à peine deux heures, dans un endroit où nous devions passer : on lui avait ôté la langue, les os à moelle, et quelques autres morceaux friands. Nous tressaillîmes d’effroi, en pensant que l’ennemi n’était pas loin ; et cependant nous aurions dû plutôt remercier le Seigneur, qui nous avait ainsi préparé des aliments pour notre repas du soir. Nous nous dirigeâmes du côté opposé aux traces laissées par les sauvages, et la nuit suivante nous campâmes parmi des rochers qui servent de repaire aux tigres et aux ours. J’y fis un bon somme. Pour cette fois la musique assommante de mon compagnon ne me troubla pas.

Nous nous mettions toujours en route de bon matin, mais chaque fois nous eûmes à courir de nouveaux dangers, car nous rencontrions çà et là les empreintes récentes de pieds d’hommes et de chevaux. Vers dix heures nous arrivâmes dans un