Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

indienne ; elle se trouvait dans l’abondance, et, selon sa coutume, elle passait le temps en réjouissances et en festins. Comme je n’ai rien de caché pour vous, j’espère que vous ne serez pas scandalisé en apprenant que, dans une seule après-dînée, j’ai assisté à vingt différents banquets ; à peine m’étais-je assis dans une loge, qu’on venait m’appeler à une autre. Mais mon estomac n’étant pas si complaisant que celui des Indiens, je me contentais de goûter de leurs ragoûts, et, pour un petit morceau de tabac, des mangeurs, dont j’avais pris la précaution de me faire accompagner, avaient soin de vider le plat pour moi.

De ce camp, nous nous dirigeâmes sur la Grosse-Corne, le plus grand tributaire de la Roche-Jaune. C’est une belle et large rivière, dont les eaux sont pures comme le cristal ; elle traverse des plaines très-étendues, bien boisées sur ses deux rives, et qui offrent de beaux pâturages. Nous y trouvâmes un autre camp de Corbeaux, au nombre d’environ 1,000 âmes. Eux aussi nous reçurent avec les plus grandes démonstrations d’amitié, et il fallut encore passer la journée en allant de festin à festin. Je saisis une occasion favorable pour leur parler sur différents points de la Religion. Comme je leur dépeignais vivement les tourments de l’enfer, et que je leur disais que le Grand-Esprit l’avait préparé pour les prévaricateurs de sa loi, l’un des chefs fît une exclamation que je ne saurais vous rendre et me dit : « Je crois qu’il n’y en a que deux