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VOYAGES

foulons un véritable champ de bataille : leur nation doit avoir essuyé quelque grande perte en ces lieux. Ce monceau de pierres a été érigé comme un monument à la mémoire des guerriers qui ont succombé sous les coups de leurs ennemis. Les mères, les épouses, les sœurs, les filles de ceux qui sont morts (voyez-en les traces) sont venues pleurer sur leurs tombeaux. Il est d’usage parmi elles de se déchirer le visage, de se faire des incisions dans les bras et les jambes, et de répandre leur sang sur les pierres en faisant retentir en même temps les airs de leurs cris et de leurs lamentations. »

Il ne se trompait pas ; bientôt nous aperçûmes une troupe considérable de sauvages à la distance d’une lieue. C’étaient en effet des Corbeaux qui retournaient à leur camp, après avoir payé le tribut du sang à quarante de leurs guerriers, massacrés, deux ans auparavant, par la tribu des Pieds-Noirs. Comme ils sont en ce moment alliés des Têtes-Plates, ils nous reçurent avec les plus grands transports de joie. Bientôt nous rencontrâmes des groupes de femmes couvertes de sang caillé, et tellement défigurées, qu’elles faisaient à la fois compassion et horreur. Elles renouvellent pendant plusieurs années cette scène de deuil lorsqu’il leur arrive de passer près des tombeaux de leurs parents ; et tant que la moindre tache de sang leur reste sur le corps, elles ne peuvent se laver.

Les chefs des Corbeaux nous recurent avec cor-