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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

des traces de chevaux. Le 5 septembre, nous arrivâmes à un endroit où une heure auparavant une troupe nombreuse de cavaliers avait passé. Étaient-ce des alliés ou des ennemis ? Je ferai observer ici, que, dans ces solitudes, bien que le hurlement des loups, le sifflement des serpents venimeux, le rugissement du tigre et de l’ours gris soient capables de glacer d’épouvante, cette terreur n’a rien de comparable à celle que jettent dans l’âme du voyageur les traces fraîches d’hommes et de chevaux, ou les colonnes de fumée qu’il voit s’élever dans le voisinage. À l’instant même l’escorte se réunit pour délibérer ; chacun examine son arme à feu, aiguise son couteau, acère la pointe de ses flèches, et fait tous les préparatifs pour une résistance à mort ; car se rendre en pareille rencontre serait s’exposer à périr dans les plus affreux tourments. Nous résolûmes de suivre le sentier, déterminés à reconnaître les individus qui nous devançaient ; nous aboutîmes à un monceau de pierres entassées sur une petite éminence. Là de nouveaux signes se manifestèrent ; les pierres étaient teintes d’un sang fraîchement répandu ; mes sauvages réunis à l’entour les examinaient avec une morne attention. Le chef principal, homme de beaucoup de sens, me dit aussitôt : « Mon Père, je crois pouvoir vous donner l’explication de ce que nous avons sous les yeux. Les Corbeaux ne sont pas loin d’ici ; dans deux heures nous les verrons. Si je ne me trompe, nous