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la couronne : les rois sont les rois des tribus et des peuples, et non des territoires sur lesquels ceux-ci sont établis : ils sont bien rois des Saxons de l’Ouest, des Merciens, des Kentings, mais non du Wessex, de la Mercie, du Kent. On arrivait même à concevoir la dignité royale sans le royaume :

« Solo rex verbo, sociis tamen imperitabat »[1].

Le roi se confond avec son peuple même[2] ; c’est du sein de celui-ci qu’il sort, et c’est par son pouvoir et par sa volonté, qu’il règne. Le peuple lui a conféré la dignité royale, mais il n’a que le territoire qu’il possède en propre, et qui est assimilable aux domaines privés de ses sujets.

Les noms teutons des rois, sont nombreux et variés, surtout dans la langue poétique. La plupart d’entre eux sont dérivés des mots qui marquent les agrégations des peuples eux-mêmes, tels que peód, donnant naissance à l’anglo-saxon, peóden ; folc, d’où dérive le vieux normand Fylkr. Mais le terme propre qui désigne chez les Teutons, la dignité royale provient de la notion de noblesse, chez le roi, ainsi que Tacite l’avait déjà observé : l’anglo-saxon cyning, est une formation directe de l’adjectif cyne, generosus, qui lui-même est dérivé de cyn, genus.

La seule distinction entre le roi et le reste de son peuple, réside dans la plus haute estimation qui est faite de sa vie, si on la compare à celle des autres. De même que dans le Wergild, le prix de vie du noble est supérieur à celui de l’homme libre, ainsi la vie du roi est-elle d’une valeur plus grande que celle du noble[3]. Aussi sa protection (mund) est-elle plus estimée qu’aucune autre, dans l’état ; et le tort

  1. Abbo de Bello, Paris, Civit. Pertz., II, 779.
  2. Langebek., II, 77 ; Dahlmann, Gesch. d. Danen, p. 51.
  3. Dans le Kent, la Mercie et le Wessex, le Wergyld du roi était de 120 livres. Cette somme revenait par moitié, à sa famille et à la collectivité.