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plus rapprochés, était inaugurée par la célébration de la messe[1]. Et durant la période florissante du christianisme chez les Anglo-Saxons, des synodes d’évêques s’ouvraient, deux fois l’an, comme cours suprêmes de justice, en matière civile. La loi des Visigoths, alors qu’elle reconnaît la séparation des personnes, implique la confusion de juridction : « Si iudex vel sacerdos reperti fuerint nequiter iudicasse[2] ». Le juge interprète donc la loi ; prononce la sentence ; veille à l’exécution de celle-ci : dans ces fonctions, il représente aux yeux du peuple, et la justice divine, et le pouvoir collectif de l’état. Ainsi peut-on conclure qu’au début, dans chaque Marche, et plus spécialement dans chaque Gâ ou Scir, ou dans la réunion de plusieurs Marches, on rencontre au moins un homme, descendant d’une famille privilégiée, qui conduit, pendant la paix, d’une façon permanente ou momentanée, les affaires publiques, et qui est confondu, dans l’esprit du peuple, avec sa religion même, et le culte de ses dieux. Il importe peu qu’on le dénomme ealdorman, iudex, rex, satrapa, princeps : il est celui qui préside aux actes solennels des hommes libres durant la paix, et il est bien le roi originaire du Shire, ou petite nation. S’il est prêtre par droit de naissance, chef de l’armée, par sa science militaire, et juge, par l’élection, il réunit en lui-même, tous les attributs de la royauté[3].

En ce cas, il ne se contentera pas d’étendre sa puissance

  1. « Quadam die multi tam nobiles quam privati primo mane ad ipsum locum placitaturi convenerunt ; sed ante placitum, ut Presbyter eis missam celebraret rogaverunt. At ille, qui ipsa nocte cum uxore dormierat, ad sacrum altaris officium accedere formidabat ; itaque negavit se id facturum » , Dunelm., Hist. Eccl., Dun., ch. XIV, A. D. 1.045 (liv. III, ch. X, édit. de 1732).
  2. Leg. Visig., II, 1, § 23.
  3. « Hic etenim et rex illis et pontifex ob suam peritiam habebatur, et in sua iustitia populos iudicabat », Jornandes.