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ou la Marche se perdait encore, par la dissolution des anciennes confédérations, produite par des guerres intestines. Mais toutes ces hypothèses semblent délier la critique de l’historien : ne touchent-elles pas, en dehors de notre sujet, à tout établissement, réduit ou étendu, à toutes les migrations originaires de l’humanité primitive ? Chaque famille s’établissant dans les solitudes incultes, assure l’existence de ceux qui sont sortis d’elle, et par une progression continue, se change en clan, en tribu, en État, sans qu’il soit possible de suivre l’évolution de ces faits sociaux, dans leur détail. Peut-on retrouver la trace incertaine des pasteurs, ou le défrichement d’une forêt, près de la source divine où ces êtres primitifs se sont rencontrés, et ont compris d’instinct, qu’il est néfaste pour l’homme, de vivre solitaire ?

Sur les clairières des forêts, dans les vallées aux pentes douces, où coulaient des ruisseaux limpides ; sur les plaines verdoyantes protégées par les eaux sombres des marais, les colons guerriers se sont un jour établis, à l’aventure, et avec l’aide du temps et d’une paix relative, ils sont devenus des agriculteurs attachés à la patrie nouvelle du sol adopté. Et pendant ces temps, s’effaçaient les derniers vestiges de la domination romaine, dans les ruines de ces édifices qui semblaient avoir été construits pour l’éternité. C’est alors que par toute l’Angleterre, il existait comme un réseau de communautés, de fait, distinctes entre elles, mais dont les membres individuels étaient le plus intimement unis, se contentant des propres limites que leur imposait la nature des lieux qu’ils avaient choisis, et las des courses errantes du passé. Après leur acharnement à la conquête, ces hommes primitifs ne songeaient qu’à jouir de ses fruits, dans la simplicité de leurs mœurs, et dans la paix.