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elles-mêmes, car dans les limites de la Marche, les hommes qui la composaient étaient, en fait, assez indépendants pour la soutenir et la défendre, et pour jouir de leur autonomie. La cour des hommes de la Marche dut être, au début, la suprême juridiction pour toute cause se référant aux intérêts généraux ou individuels. Sur le continent germain, les divisions des Marches et l'étendue de leur juridiction peuvent être fixées avec précision[1], et ce n'est que par induction qu'on peut attribuer à la Grande-Bretagne, un semblable état de fait.

La plupart des Marches devaient être considérablement étendues, et capables de produire à la bataille un grand nombre de combattants ; d'autres étaient, assurément, moins nombreuses, mais il convient de ne pas oublier que cent maisons, protégées par d'impénétrables forêts, dans un district ignoré de l'envahisseur, constituent, avec leurs habitants, une force capable de défendre des droits et des privilèges.

Le caractère distinctif de la Marche, en dehors de ses limites extérieures, semble avoir été les rapports de ses habitants entre eux et avec leurs voisins. On se représente aisément des unions de grandes familles, comprenant des membres différents en richesse, en rang et en autorité : quelques-uns, descendant en ligne directe, des ancêtres communs ou de quelque héros de la tribu ; les autres, apparentés à celle-ci de façon plus lointaine : par l'accroissement de la population, par le mariage, par l'adoption ou l'émancipation ; mais tous se reconnaissant entre eux une parenté, ou sibsceaft : tous, demeurant unis dans le respect du droit d'autrui et des communautés semblables à la leur ; tous, gouvernés par les mêmes juges et conduits à la guerre par

  1. Cf. Grimm, Die deutschen Weisthümer, 3 vol. in-8.