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dites, c’est-à-dire qu’elles étaient fatales à celui des hommes qui ne respectait pas leur caractère sacro-saint, car sur elles reposent et la sûreté extérieure de la communauté, et le service des dieux qui la protègent[1]. Quand le fanatisme religieux s’est perdu, les terreurs de la superstition viennent encore soutenir la rigueur des lois : les forêts profondes et les marais sont les repaires des monstres et des dragons ; les esprits des bois vont toujours errant, près du voyageur qu’ils conduisent à la mort ; au bord des lacs s’élèvent les demeures des Nicors[2] : le monstre-titan Grendel fait à travers les Marches, de fantastiques chevauchées, et c’est au fond d’une caverne creusée dans la montagne, que le dragon, couché sur un fabuleux trésor, dort son sommeil séculaire.

Mais l’évolution naturelle de cet état d’isolement, est de cesser d’être. Quand chaque tribu, resserrée entre ses voisines, voit diminuer sa part de bien-être avec la culture intensive d’un sol qui ne s’étend plus[3] ; qu’elle sent la nécessité du développement des échanges et de communications nouvelles, alors la destruction de la Marche se produit d’elle-même, et d’autre part se réalise l’union de fait des tribus qu’elle séparait. Considérons, ainsi, deux villages établis au centre d’une forêt, chacun avec des bornes mal définies dans le bois qui les sépare : ces villages, avec l’accroissement de la population et la diminution des terres arables, s’efforcent de s’étendre vers la forêt, et cherchent, en reculant la Marche, de nouvelles terres à défricher. Lorsque ces intérêts

  1. Il est possible que le cwealmstow, ou lieu d’exécution, se soit trouvé dans la Marche ; car toute peine capitale, chez les Germains, avait le caractère d’un sacrifice aux dieux. Quand Juliana va être mise à mort (Cod. Ex., p. 280), elle est conduite à l’extrémité de la Marche.
  2. Beow., 2.822-2, id., 2.695.
  3. « Facilitatem partiendi camporum spatia præstant », Tacit., Germ., 26.