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aimions à nous rendre cette justice que nous avions été fidèles aux amitiés de notre enfance. Oui, nous avons pleuré avec ceux qui pleuraient, nous avons battu des mains aux grands triomphes de ceux qui marchaient en avant, nous avons aimé les puissants et les célèbres, à plus forte raison les inconnus et les malheureux… De tous deux, tu as été le plus sage, car tu as été le plus modeste. Le grand jour t’a fait peur, et tu as pris pour ta règle une belle devise : Cache ta vie ! Tu as mis sous le boisseau, comme on cacherait une action mauvaise, l’esprit, le talent, la verve, et ces dons précieux qui donnent la renommée à coup sûr ; tu n’as pas voulu de la renommée, et je crois même, Dieu me pardonne ! que tu ne voudrais pas de la gloire. Bien plus, ami, je ne serais pas étonné quand tu te serais effacé pour me faire place, afin que la route me fût plus facile. — Quand tu possédais les plus rares qualités de l’écrivain, tu m’as laissé libre cette carrière où tu devais marcher ; tu étais un maître dans l’art de corriger les œuvres rebelles et les esprits indociles, et c’est moi qui juge les autres !

Et ces lignes, sur une vente après décès, écrites en février 1854, au moment de la mort d’Armand Bertin, directeur du Journal des Débats, le digne fils du vénérable Bertin l’aîné, son « ancien patron », ne sont-elles pas remplies d’une touchante éloquence ?

… Non ! je ne reverrai pas ces vastes salons où la causerie