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jour qu’en revenant de l’île de Corse, comme nous revenons de Saint-Cloud, elle m’avait rencontré dans le jardin et que j’avais couru au-devant d’elle, la tirant à moi comme si je m’étais douté de tout le bien qu’elle me ferait…

Le cruel moment de la séparation arriva pourtant[1] — Les trois années passées au no 167 de la rue Saint-Jacques auraient été, en somme, assez monotones, si notre écolier (il allait avoir quinze ans quand il entra dans le

  1. Avant de venir à Paris, Jules Janin était resté un certain temps au collège de Lyon, où il avait eu pour camarades de prédilection Armand Trousseau et Edgar Quinet.

    On nous saura gré, sans doute, de placer ici cet aimable portrait de J. J. adolescent, crayonné jadis par l’auteur d’Ahasverus :

    « … Il était plus jeune que nous de deux ou trois ans. Ah ! le bon compagnon ! La jolie tête enfantine, espiègle, épanouie ! Les beaux cheveux noirs bouclés ! Et quels francs rires de lutin dans nos corridors sombres ! Les murs doivent s’en souvenir.

    « Quelle joyeuse, gracieuse ignorance de soi-même ! Il jouait alors aux billes ; il jouait surtout de la harpe, et bien mieux que le roi David. Aussi faisions-nous de saints concerts dans l’église, à l’élévation et au salut, Janin jouant de l’instrument du prophète, moi du violon, son maître, M. Bédard, de la basse, un autre de l’alto. Notre maître de philosophie chantait des Alleluia d’une voix claire et vibrante. Ces concerts de séraphins nous donnaient, le jour où ils avaient lieu, de grands privilèges, tels que celui de manger à une table d’honneur, en compagnie de messieurs les chantres. »