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Saint-Étienne, l’ermite de Passy devenait tout joyeux. — « Ma pensée y revient, disait-il, aussitôt que je veux faire un beau rêve ! »

Alors je revois le petit cloître et le grand jardin, et la salle d’études et les vieux arbres, si remplis de murmures et d’ombre… Tout d’un coup, par une grande porte qui s’ouvrait sur les jardins, nous entrions dans une cour très-vaste. Au bout de la cour, par un sentier bordé de tilleuls, on pénétrait dans l’enceinte élégante, pleine de fruits et de fleurs… Bref, c’était un lieu rare et charmant, où les Bénédictins avaient laissé leur empreinte. Il y avait d’autre part une classe ouverte, où chaque élève usurpait le nom d’un grand artiste d’autrefois. Même il me souvient que je m’appelais Scamozzi, et qu’au bout de vingt ans, passant par la ville de Gênes, la ville des palais, je trouvai que mon Scamozzi était l’architecte qui avait bâti la belle maison voisine du palais de Razzo. C’était superbe ! Alors je fus très-fier de m’être appelé Scamozzi, bien que ce nom me rappelât toutes sortes d’amendes auxquelles nous étions condamnés par notre maître de dessin[1].

Lorsqu’il dut s’éloigner de sa famille et de ses amis d’enfance, combien son cœur se serra !

  1. Ces lignes sont extraites d’une longue et aimable lettre que l’éminent critique, déjà trop souffrant pour écrire lui-même, nous dicta, le 20 septembre 1872, à l’adresse d’un savant universitaire, M. G. Condé, alors proviseur du lycée de Saint-Étienne.