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jules janin
Lyon. C’était un homme taillé sur le patron de quelque dieu de la Fable. Il fallait un instant pour s’habituer à ce fier visage, à ce beau geste, à ce regard plein de feu. — Ce qu’il venait faire en ce lieu paisible ? Il venait distribuer les bienfaits ou les bourses de notre antique cité ; mais, comme on avait été trop tard averti, il s’était rencontré peu d’ambitieux de cette récompense. Alors, M. de Regel (c’était le nom du recteur) : — « Mes enfants, dit-il, qu’avez-vous appris ? Que savez-vous ? » Et comme nous demeurions interdits à son aspect, interdits et muets : — « Qui de vous, reprit-il, peut réciter sans se tromper, le Credo, en latin et en français ? » — Moi qui, dans ce temps-là, ne doutais de rien (j’ai bien changé depuis !), je m’avance soudain, et, faisant le signe de la croix, je récite à ce brave homme, et dans les deux langues, cette page immortelle où toute sagesse est contenue. On m’écoutait avec admiration : c’était pourtant ma mère qui m’avait appris le Credo chaque dimanche ! Et quand j’eus fini : — « Mon ami, s’écria le recteur, je suis content, et je rendrai de vous bon témoignage ! » En même temps, il posait sa belle main sur ma tête bouclée, en guise d’adoption. Voilà mon histoire, et mon premier pas au Parnasse. Et j’oublierais les bontés de l’Université ! Et je cesserais de te bénir, ô mère bienfaisante, qui m’entourais d’une si vive affection, qui m’as nourri de ton lait ! Toi à qui je dois les premières louanges que j’aie reçues et mes premières amitiés !…


Quand il parlait de son cher collége de