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présence, un fait datant de longues années, et qui permet de juger à quel point le cœur du critique était bon. Voici cette délicieuse anecdote ; elle a paru dans les Guêpes de 1840 :

Gatayes est allé voir Janin et il l’a trouvé fort embarrassé. Il y a quelques années, Janin s’est intéressé à une pauvre vieille femme qu’il a rencontrée dans la rue. Il l’a fait entrer dans un hospice, où elle se trouve fort heureuse. La veille, elle avait été malade, et, ce jour-là, se trouvant mieux, elle s’était dit : « Il ne faut pas que je meure sans avoir vu M. Janin. » Elle s’était fait accompagner par une femme de la maison, — et, à petits pas chancelants, — elle était arrivée à la rue de Vaugirard. — Là, je ne sais comment, elle avait réussi à monter les étages, — peut-être a-t-elle mis deux heures ; — mais enfin elle est arrivée. — Janin l’a reçue de son mieux, — il a déjeuné avec elle et avec Théodose Burette, — Théodose Burette, savant et homme d’esprit, est le Gatayes de Janin, — il a glissé de l’argent dans la poche de la vieille, — il a été simple et bon, — il lui a parlé du régime de l’hospice, — il l’a écoutée avec intérêt, — il a retrouvé, pour accueillir cette pauvre femme, — tous ces soins affectueux qu’il garde au fond du cœur depuis qu’il a perdu sa chère vieille tante.
« Allons, ma bonne, lui dit-il, Théodose et moi nous irons vous voir ; — il ne faut pas vous fatiguer ainsi à venir ; je suis jeune, moi, j’irai là-bas. »