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qualités du monde. J’ai eu l’honneur d’être dans ſon intimité dès ſa plus tendre enfance. Il faut qu’il ait le cœur bien fait, puiſque depuis ſoixante ans les Courtiſans n’ont pu l’endurcir. Imaginez-vous qu’il ne punit qu’avec la plus grande peine. Que le Miniſtre le plus prévaricateur, il ne ſe renvoie qu’avec des ménagements. On ſait qu’il s’eſt relevé jusqu’à trois fois la nuit du jour où il a exilé le Duc de Choiſeul, qu’il avoit déjà brulé deux Lettres de cachet expédiées pour ce Seigneur. Il porte la ſenſibilité ſi loin, qu’il laiſſe jouir les diſgraciés de leur faveur jusqu’au dernier inſtant ; qu’il leur fait encore bonne mine lorſque le coup fatal eſt arrêté, & qu’il ſe refuſe toujours à les voir, à recevoir leurs prières, dans la crainte, ſans doute, que ſes entrailles ne fuſſent trop émues, & que ſa miséricorde ne fit tort à ſa juſtice.

L’Observateur.

Des hommes toujours portés à blâmer les Princes, reprochent au vôtre cette diſſimulation qu’il a manifeſtée dès le commencement de ſon Règne.

Le Courtisan.

Oui, il eſt vrai qu’il ſe conduisit avec cette grande circonſpection dans ſa jeuneſſe. Lorsqu’il diſgracia M. le Duc, alors premier Miniſtre, le Roi partoit pour Rambouillet où il devoit chaſſer. Il ſavoit bien l’ordre qu’il avoit donné, il n’en fit pas moins de careſſes à ce Prince, il lui demanda s’il ne le verroit pas dans ce voyage ? Il lui propoſa de venir chaſ-