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ſus une leçon bien noble. Un jour que le jeune Monarque mangeoit en public, on lui avoit mis ſur ſa table des girandoles d’or neuves, qui attirerent les regards & ſon admiration ſi exceſſive que cette Dame la lui reprocha : Sire, lui dit-elle, il n’y a rien de beau en ce genre pour V. M. Une autre fois, qu’en jouant il avoit laiſſé tomber un Louis & le ramaſſoit elle lui fit connoître que cet or, une fois échappé de ſes mains, ne devoit plus lui appartenir. Il poſſède très-bien tous les jeux ; il met à tous une combinaiſon rapide, beaucoup de grâces & de légèreté : peut-être même joue-t-il trop bien pour un ſouverain. On remarque en outre qu’il ſe plait à gagner. Il a l’avidité inquiete d’un malheureux dont le ſort dépend d’une carte ou d’un dez : il ne songe point à l’ambarras où il va mettre la famille d’un Seigneur qu’il ruine à faire ſa partie.

C’eſt ce goût exceſſif de propriété qui lui fait faire une diſtinction entre le Fiſc public & ſa Caiſſe particuliere. Celle-ci eſt l’objet de ſes complaiſances. Outre un fonds effectif en numéraire, elle eſt compoſée de toutes ſortes d’effets en papier, dont il aime l’agiotage & pour lequel il a un Miniſtre ad-hoc, qui eſt M. Bertin. Dans le tems des réductions faites ſur les papiers royaux par nos divers Contrôleurs généraux, & ſur-tout par M. l’Abbé Terrai, comme le Roi était dans le ſecret, il avait grand ſoin de ſe défaire des ſiens avant que le coup fût frappé.