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chent à Greenwich, vous défilez à travers une double forêt de mâts qui semblent continués par les cent clochers en aiguilles que l’architecture ecclésiastique anglaise affectionne singulièrement. Au reste, nous avons vu de Londres tout juste ces mâts de la marine et ces mâts de l’église anglicane pour accourir dans ce comté lointain, réservant la capitale pour notre retour. Les stages ou diligences nous ont conduits jusqu’à Penrith, où nous avons pris une chaise de poste avec un petit postillon en veste rouge afin de faire notre entrée en conquérants, suivant l’expression de mon gentilhomme de Normandie, qui s’est révolté lorsque je lui ai proposé de nous transporter poétiquement à pied de Penrith à Loderdale-Castle. Au train dont nous allions, il ne nous a pas fallu plus de vingt-cinq minutes pour faire entendre le claquement de notre fouet à la première grille d’un parc majestueux. Ce n’est qu’après en avoir traversé la moitié que nous avons aperçu tout-à-coup, comme dans un roman, s’élever devant nous un des plus beaux châteaux gothiques de l’Angleterre, non toutefois un vieux château, mais un château reconstruit à neuf, dont les pierres encore blanches produisent l’effet du marbre. Sur les créneaux du donjon ou tour centrale, un drapeau rouge aux armes de lord Suffolk se déroulait autour de sa hampe. Aux abords de gate-way ou portique nous fûmes respectueusement salués par quatre laquais de parade en riche livrée, poudrés à frimas, de vrais Goliath pour la taille ; car un grand seigneur anglais ne choisit ses laquais, comme Frédéric choisissait ses grenadiers, que parmi des hommes de six pieds ; descendus au perron, nous en trouvons quatre autres qui saluent en-