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» Je suis parti de Paris avec mon ami (nous sommes amis maintenant) Bohëmond de Tancarville ; M. et madame Mazade seraient venus avec nous s’ils n’avaient été retenus par le pénible devoir d’assister aux derniers moments de leur tante, mademoiselle Éléonore de Rollonfort. Je l’ai laissée au plus mal ; je crois bien que s’ils perdent cette excellente parente, le général et sa femme ne tarderont pas à prendre la route de l’Inde. Non seulement le général parle d’un pareil voyage comme d’une promenade, mais encore madame Mazade semble très désireuse d’aller vérifier par ses yeux si tout ce qu’elle a lu sur ce pays est exact. À les entendre tous les deux parler éléphants, palmiers, pagodes, palanquins, on ne saurait dire lequel de M. le général ou de madame sait le mieux son Hindoustan par cœur. Mon ami Bohëmond, dont je t’ai dit les mésaventures amoureuses, prétend que sa cousine souffle son cher époux lorsque sa mémoire de voyageur hésite sur quelque dénomination. Mais je reviens à nous, pauvres touristes, qui n’avons encore parcouru que quelques milles sur un paquebot à vapeur.

» Nous sommes venus de Calais à Londres par la Tamise. À quelques lieues en mer nous avons rencontré un navire de la compagnie des Indes qui nous a surpris par une de ses évolutions les plus pittoresques, en mettant toutes ses voiles dehors et en tournant sur lui-même avec la grâce d’un oiseau qui se pavane au milieu d’un bassin. La Tamise, ce fleuve roi, orgueil de l’Angleterre, ne peut être mieux comparé qu’à un jeune océan, car pendant long-temps l’œil n’aperçoit pas ses rivages, et les vaisseaux de haut bord le sillonnent en tous sens ; lorsqu’enfin les côtes se rappro-