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de supplanter son voisin, et où d’ailleurs le moindre écart eût provoqné une prompte répression. Qu’on ne croie pas que le geôlier d’Arles fit du despotisme par caprice : hàtons-nous de dire que c’était en effet uo excellent homme, trèS’Ubéral même, quoique conservateur ; car il n’immolait la lU>erté qu’à l’ordre, bien convaincu, comme les conservateurs d’aujourd’hui, que la liberté n’a pas de plus mortelle ennemie qu’elle-même. D’ailleurs, quelque contrainte qu’il exerçât sur le corps , il laissait à l’àme toute latitude, n’ayant, disait-il, ni cachot ni menottes pour la pensée humaine. On rêvait tout à son aise dans sa prison, debout ou couché, endormi ou éveillé. Là, comme dans les plus vastes espaces, l’univers appartenait h chacun et à tous : l’univers sans limite, terre, mers et ciel. Quel est donc le philosophe qui avait dit, avant le geôlier d’Arles, qu’il suffit à l’homme que son àme soit libre ? Cette maxime philosophique était un article de foi pour maître Armand Ferréol. Maître Armand Ferréol, veuf depuis quelques années, vivait avec sa fille unique, calme, belle et fraîche Artésienne, quoiqu’elle sortit trop rarement de sa réclusion volontaire podr avoir aux joues de bien vives couleurs. Aussi un poëte de la ville disait-il que lorsqu’il la voyait franchir par hasard le seuil de la sombre geôle, elle lui faisait l’effet de l’astre de la nuit se dégageant d’un noir nuage. A l’époque où cette histoire commence, un observateur attentif eût peut-être reconnu parfois dans cette douce et tranquille physionomie, outre l’expression d’une bonne conscience, celle d’un secret sentiment de mélancoUe, comme si les murailles même d’une prison n’étaient pas toujours assez épaisses pour défendre le cœur d’une jeune fille qui a passé la vingtaipe ; mais une facile résignation ou un espoir raisonnable tempérait sans doute cette peine