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SABBAT

tient, attentif et magnifique, le bélier aux cornes d’or qui rompt jusqu’aux scellés des étoiles.

Il est des fous aveugles qui promènent cette majesté dans les limbes, en tâtonnant. « Il n’est, lui chuchotent-ils, que ces régions mélancoliques… » Et, pourtant, ils n’auraient qu’à crier une parole de foi pour que leurs yeux s’ouvrent et qu’ils voient s’avancer, vers eux, la Robe blanche qui est aussi évangélique que le lis du Nazaréen.

Il est des fous qui, au nom de cette prêtresse, insultent les entrailles éternelles, mais qui ne savent pas armer son bras du glaive bleu qui, dans le nuage des myrrhes prophétiques, consomme le sacrifice divin d’où s’élève, en battant des ailes, le grand secret.

En vérité, qu’avons-nous besoin de fous désœuvrés, de fous puérils, de fous pourvoyants de la mort, de fous désespérés, de fous infirmes, d’énergumènes maladroits ?

Oui… oui… « le cri strident aux caravanes ! » comme gueulent certains d’entre eux. Pauvres insensés !

Mais sache, Bémolus, que les poètes sont criminels quand ils ajoutent des plaintes aux larmes, quand ils égarent un peu plus les tribus inquiètes.

Que les poètes s’asseyent dans l’herbe et distribuent à chacun sa part de Dieu.

Qu’ils s’appuyent aux jeunes arbres et racontent qu’un lis est né.

Qu’ils ne désespèrent pas des astres —