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SABBAT

dont la pourpre est portée par deux archanges ennemis et souriants : l’un accepta Dieu. L’autre, plus épris de lui, encore, le combattit.

Les serpents furtifs lèvent, à mon geste, leur tête sagace. Ma vivacité est une ronde de mouches bleues dans les étés perpétuels. Ma joie est aussi répandue que la lumière et l’herbe. Je suis respectueuse de mes amours comme le chêne de son ombre.

Je suis mille fois sorcière, et magnifique dans toutes mes formes. Parfois, à la place de mon cœur, j’ai une douce perdrix qui couve… Parfois, à la place de ma bouche, fleurit le pavot de Faust sur lequel vient bourdonner le Satan velu et chaud dont le dard cherche le poison des fleurs savantes…

Je suis les veines des feuilles, le mica du sable, le petit visage pur qui, dans les premières violettes, a l’ineffable mélancolie du printemps et je pleure devant les rubans naïfs du bois qui me font penser que, jadis, j’ai mérité, en robe verte, l’adolescence…

Je suis armée, soudaine, têtue, rapide, chantante, durable dans le granit et les pétales, étincelante dans le feu et les blés, concentrée dans les clous, insouciante dans les flèches, comme la mort… Je ne montre de moi que les visages que je veux et je les ai tous. Je sais offrir l’amphore alors que je tiens, derrière mon dos, le poignard, et je ne te dis pas sous quelles fleurs j’ai enseveli ceux dont je suis la sépulture…