Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
SABBAT

même… Quand je crie : « Mes passions, je les ai traitées comme des filles dont on veut, dans les couvents furieux, sauver l’âme à coups de lanières. Mes passions, je les ai réduites à la ceinture de corde, aux racines sans sel. Je suis, pour moi-même, un bourreau au visage de fer. Je me tords — entendez-vous ? — le cou plusieurs fois par jour et je me jette sans souffle sur le plancher de ma prison inhumaine… Je suis l’exception et l’exemple dans le monde corrompu, avide, jouisseur… » On me regarde, c’est-à-dire, on me condamne, et, tout bas, on me répond : « Vous êtes capable de tout !… »

Je suis coupable puisqu’on m’accuse. C’est, là, le grand, l’irrémédiable forfait : on m’accuse… Et il y a bien de la justice dans le courroux dont nos frères nous frappent.

Tout est équitable, en somme.

Qu’importent ma raison à ceux qui découvrent que la tentation aux flancs de chien halette partout où je garde le silence, mes larmes à ceux qui contemplent mes yeux vivants comme ceux des fauvettes cruelles, les fruits de ma douceur à ceux qui comprennent que je suis l’arbre des violences, mes patiences de chaque jour à ceux qui devinent que je suis la foudre inspirée et le simoun dévastateur ?