Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
SABBAT

Un jour où j’entrais dans la chapelle afin d’y saluer quelque coupable Gabriel d’azur, soudain, dans le confessionnal, assis, attentif, amusé, le doigt levé et la barbiche dansante, m’apparut le Satan qui sait, comme moi, que l’ingénuité et la malice sont deux sœurs gracieuses et jumelles quand elles s’ébattent à l’air pur et mêlent leurs jeux qui, pour la première, consistent à cueillir la rose et, pour la seconde, à la sentir.

« Comment, aurais-je pu dire, cette fois-là, en toute innocence, à mon catéchisme, répandez-vous tant de préceptes, de lois, de menaces, de rigueurs, quand j’ai, moi, une si rudimentaire et si touchante notion de ce que vous appelez : « le Bien », de ce que vous appelez : « le Mal » ?

Mais je n’étais, encore, qu’une fillette extravagante et rêveuse, et l’épreuve monacale n’éclata sur moi, dans toute sa violence, que plus tard. Elle dura des années. J’avais fait cet acte charmant et vide : ma première communion avec une ferveur désespérée et ravissante, mais l’enfer dont on ne cessa pas de me menacer, à cette époque, était resté dans mon âme terrible de poète.

Bientôt, je sentis tomber, sur mon front, les larmes de l’angoisse couronnée d’épines. J’entendis, aux doigts des nonnes, le jeu des ossements et des chapelets. Je sentis le souffle brûlant et sulfureux dans les rideaux de mon petit lit de pensionnaire, déjà touchés par l’eau de Javel. Je connus les dépravations du