Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
SABBAT

qui poursuit sa tâche aveugle et machinale, que l’écureuil qui, avec des grâces sacrilèges, promène, toute l’année, dans le bois, la couleur fastueuse et triste de l’automne, que l’homme qui fait de la philosophie à propos des feuilles et que les feuilles qui tombent, sur le crâne de l’homme, quand la Mort passe une robe de pâle soleil, entre le marécage et l’horizon, n’ont rien qui les distingue très particulièrement les uns des autres puisque l’humus universel fait d’eux tous sa pâture fatale.

« Mon Dieu, dit-elle, mon Dieu ! Où êtes-vous ? Comment expliquer que vous ne me soyez sensible que lorsque le Diable me possède ?

Vous ne savez donc pas comme je souffre de la pauvreté des louves qui allaitent, du cri de l’agneau qu’on égorge, des petits pieds qui ont froid en allant à l’école, et, plus encore, en rentrant au logis où le chat ne compte, pour manger, que sur la souris qui ne paraît pas ?… Détresse ! Détresse ! Les arbres qui pleurent, dans la nuit, pensent, comme moi, que nos plus grands malheurs sont nos petits désespoirs, et que nous sommes quasiment mourants de douleur quand nous nous disons qu’il est des malades abandonnés, des coupables qui expient trop, des malheureux qui sont nés un couteau à la main et qui n’ont, toute leur vie, jusqu’au crime, senti, autour d’eux, que l’odeur du crime.