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SABBAT

flamme, que l’œuvre soit édifiée et qu’on n’étoile pas sa tour, que le dieu veille et qu’on n’aspire pas sa myrrhe, que le printemps passe et qu’on ne cueille pas son lilas…

Sans secours, sans récompense, sans sourire ? Êtes-vous ainsi ? Oui ?… Alors, marchez. Celui qui s’est suicidé, même quand il ne reste de lui qu’une bouteille vide dans un haillon, fut le plus grand car il fut le plus seul.

Et, moi, sachant que la dureté et l’orgueil sont nos puissantes gloires, moi, la solitaire, entre deux robes sanglantes et justes, celles de Charlotte et de Judith, j’ai tenu mon cœur levé.

Ma nudité que le désir scella de l’odorante, de la douce, de la céleste blessure est comme la statue de marbre, dans le cloître abandonné. Tant mieux. Au front du génie est plus significative la mousse que le laurier, et l’immortalité blanche qui plonge son pied dans l’humus fait, déjà, partie du peuple pensant des morts.

Je sais… Je sais… On m’a reproché de donner Dieu quand on me demandait le miracle, et on a fui ma force amère et ruisselante car, ayant attendu d’elle la sirène, elle ne sut offrir que l’infini !

Mais que m’importe ! Ce n’est pas sur l’arbre mort que je veux briser mon ouragan et, contre le rocher captif, jeter toute ma mer. J’ai — Dieu merci ! — de plus nobles hostilités qui m’attendent.