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SABBAT

Il fut un temps où je priais pour vous, et si sérieusement que j’en ressemblais à l’ange ignoble et dégénéré qui, au pied du Maître-Autel, permet au sacristain d’épousseter son menton. Morne effet de l’esprit pudique et contrit ! Sur-le-champ, je le jure, je maigrissais et jaunissais, et, sonore de chapelets, je faisais fuir les démons de votre route. Quelle imprudence ! Mes oraisons ajoutaient un voile funeste aux chapelles de vos afflictions, je mêlais, au long souffle d’outre-tombe qui effeuille, parfois, les pauvres automnes des poètes, je ne sais quelles litanies sans espoir, et notre âme sensible et malade, traitée par l’eau bénite et le renoncement, tomba dans cette anémie funèbre dont on parla quelque peu et que Pascal, au cours des innombrables visites qu’il voulut bien nous faire, finit par nous envier.

Ah ! sans diables, que nous étions tristes ! Vous vous avanciez vers moi, plein de rancune comme le jeûne. Je vous saluais, pleine d’allusions amères comme la pénitence. Vous souvenez-vous de ces rencontres quasi monacales ? Dieu ! que nous étions affreux et mesquins ! Et, pour comble, nous soupirions. Nous nous regardions avec acharnement et soupçon comme font, entre eux, les trappistes, et tout ça, mon frère, parce que je recommandais routinièrement votre chère âme au vieux bon Dieu de mon ancien scapulaire marron, à ce Jéhovah rhumatisant, hors d’usage et fatigué qui daigna habiter un petit