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RÉSISTANCE

Pourquoi ne vous retournez-vous jamais contre moi ? Se soumettre est, aussi, un beau règne. Soyez le torrent qui descend des montagnes, traversez-moi comme un pont, emportez-moi comme un tronc d’arbre, roulez-moi comme un caillou dans votre force obscure et vos courants contraires… Abattez-moi comme la maison de planches du pêcheur. Que je sois, sur vos flots désaccordés et victorieux, le butin de la tempête : les rames, la barque, les filets, la bête épouvantée et le berceau qui tangue…

Portez-moi comme une fleur brisée aux lèvres de la mer. Et, enfin, sur le rivage apaisé, jetez-moi nue comme une perle.

Ne me résistez pas.

— Je ne veux ni vous prendre, ni vous donner ; ni vous détruire, ni me laisser envahir par vous. Pourquoi souriez-vous ainsi ?

— Parce que je suis le vannier, que je tords le jonc et que je tresse la corbeille, malgré tout, car c’est mon métier et mon plaisir.