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SABBAT

sagesse innée. De tes vertus démoniaques qu’on appelait « des défauts », on essaya de faire des qualités néfastes, et mon Chef-d’œuvre déchu pleura… Tous les poètes, en s’humanisant, tuent, plus ou moins, en eux, un Lucifer. Mais quoi qu’ils fassent, quoi qu’il arrive, ils se souviennent toujours de la terrible Présence première, et, parfois, quand tu me sens tressaillir dans ton âme et jusque dans tes entrailles…

— Ah ! tais-toi… c’est trop magnifique… Prise de pudeur, folle aux yeux de lumière, je cache, dans mes bras, mon visage en fleur et en feu. Et, pourtant, comme je regarde, comme j’écoute, comme je vois, comme j’entends ! Les ossements des morts chantent ainsi que des flûtes, et la création salue, une fois de plus, le serpent qui s’égrène de même qu’un collier sur les mains tentées des hommes… Mais je devrais être si belle !

— Tu l’es plus que tu ne le crois, mieux qu’on ne te le dit, toi qui ne t’arrêtes pas de regarder vers le soleil, toi qui n’as jamais laissé crouler dans les heures ton cœur fait pour l’éternité, toi qui n’aspires qu’à une gloire : l’Ascension…

— Des liens me retiennent, des murailles font de l’ombre, autour de moi, encore…

— Tu ne penses qu’à t’évader. C’est là le commencement de votre seconde divinité, celle que vous acquérez, poètes… Et ceux d’entre vous qui ne cessent pas de dire : « Il faut partir ! » sont, déjà, en route.