Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
SABBAT

et ta convoitise, ta grâce et ta domination, je veux planter mes ongles d’onyx dans la poitrine vivante des choses, comme une fée… Et, puisque tu sais te taire, je veux faire traîner mes longs colliers de bois à l’odeur de violette et de vanille, dans la fumée des pipes qui méditent aux lèvres des Invisibles qui m’entourent.

Tu ne me verras pas inventer la lumière, les péchés, les roses, les monnaies, les rubis, les rois, les licornes, les siècles qu’il me faut pour peupler le désir que tu m’as laissé, ni faucher, avec une furie joyeuse, comme dans un jardin, les œillets rouges, les dieux que je te dois et qui sont trop…

Inspirateur du Sabbat, va-t’en !

Tu ne me verras pas, à présent que tu m’as comblée d’ingéniosité et de science, entrer dans l’Âge d’or et écouter parler, avec le sourire réservé et mystérieux des sages, les bêtes monstrueuses et divines. Va-t’en. Après l’avoir faite possible, tu ne prendras pas part à la conversation magnifique. Peut-être, aurais-tu peur de la sorcière qui sait que la poésie imite, pour la séduire et l’égarer, la lourdeur têtue du rhinocéros, le rire vorace des crocodiles, le silence crochu des hiboux, la frivolité mortelle des vipères, le vampirisme enchanté des hulottes folles du sang musical et tueuses de rossignols.

Chut !… Elles font, de leurs yeux, un sabbat de clair de lune, et, déjà, s’annonce l’ouragan des sorcières. — Vie aux bois mort et aux